Le signe singulier d’un processus d’auto-destruction: du nucléaire partout

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Le signe singulier d’un processus d’auto-destruction: du nucléaire partout


13 septembre 2005 — « The overhyped threat of terrorism [by the US] has become a greater threat than terrorists themselves », écrit Paul Craig Roberts. Il a raison. « You know, in this way, we're now like the Soviet Union once it collapsed into Russia. When it could no longer pay the salaries of its soldiers, Russia fell back on its nuclear arsenal as its only source of power. », dit James Carroll. Il parle d’or.

La publicité faite à la nouvelle (?) doctrine d’emploi du nucléaire proposée par le Pentagone (et que Rumsfeld doit encore approuver), emploi en mode préemptif ou préventif c’est selon, contre tout ennemi même non-nucléaire, répond superbement à la remarque de Carroll et confirme le jugement de Roberts. (Jim Lobe donne aujourd’hui sur Antiwar.com une bonne analyse de la nouvelle doctrine du Pentagone.) Désormais, le système américaniste, instable jusqu’à la déstabilisation, affaibli jusqu’à la paralysie par absence d’options, totalement coupé des réalités du monde, est la principale menace dans ce monde. Il est significatif que cette évolution doctrinale vienne notamment et principalement avec l’appui et la sollicitation d’un homme comme Dick Cheney, évangéliste extrémiste, obsédé par tous les dangers du monde, corrompu jusqu’à la moelle par la nébuleuse Halliburton, — et accessoirement vice-président des États-Unis. Jamais le système américaniste n’a paru si dépassé, si épuisé, si complètement réduit à cette extrémité que les Américains nomment eux-mêmes “brute force” (la force brutale, pure, sans la moindre nuance possible).

Bien entendu, cette nouvelle disposition est à placer, notamment et pour le terme le plus proche, dans la perspective d’une éventuelle attaque de l’Iran. On comprend la logique, qui est aussi grosse que l’effet d’une arme nucléaire dans ces conditions. Elle prend en compte l’irrémédiable affaiblissement de la puissance américaine (au niveau terrestre) et confirme complètement l’analyse de James Carroll. (« “[U.S. Strategic Command] planners, recognizing that U.S. ground forces are already overcommitted, say that a global strike must be able to be implemented ‘without resort to large numbers of general purpose forces,’” according to national security analyst William Arkin. »)

Quelques avis cités par Lobe :

« “What we see as significant is that they are considering using nuclear weapons against non-nuclear powers in preemptive first strikes,” said Ivan Oelrich of the Federation for American Scientists (FAS) about both the NPR and the new Doctrine. The Doctrine would also appear to contradict the administration's oft-stated claim that it is significantly reducing the role of nuclear weapons in its global military strategy.

» “[T]he new doctrine reaffirms an aggressive nuclear posture of modernized nuclear weapons maintained on high alert,” according to Hans Kristensen of the Natural Resources Defense Council (NRDC). “[T]he new doctrine's approach grants regional nuclear-strike planning an increasingly expeditionary aura that threatens to make nuclear weapons just another tool in the toolbox,” he wrote last week in Arms Control Today. “The result is nuclear preemption, which the new doctrine enshrines into official U.S. joint nuclear doctrine for the first time, where the objective no longer is deterrence through threatened retaliation but battlefield destruction of targets,” according to Kristensen. »


On doit aussi proposer l’idée qu’arrivé au point de décrépitude où se trouve le système américaniste aujourd’hui, après le dernier (en date) coup de boutoir de Katrina, une analyse stratégique de la décision du Pentagone n’a guère de sens. Sa subtilité est à l’image de l’expression déjà proposée (“brute force”). Son historique est à chercher dans l’aveuglement du processus bureaucratique et dans la psychologie enfiévrée d’un Cheney, — parmi d’autres, qui pullulent dans ces milieux.

Politiquement non plus, cette décision n’a guère de sens ni d’intérêt pour l’analyse sinon ceux de nous préciser une piste par où le système américaniste pourrait effectivement parvenir enfin à son terme d’auto-destruction par les conséquences innombrables et catastrophiques, y compris éventuellement (il serait temps) la rupture d’alliances immémoriales, à laquelle pourrait conduire une action de cette sorte, par exemple contre l’Iran. Les conséquences psychologiques de l’emploi du nucléaire, traduites en termes d’influence auprès de populations non-américaines (et éventuellement américaines d’ailleurs) et de décisions politiques de leurs gouvernements, seraient absolument considérables. Dans ce cas s’applique parfaitement la réflexion d’Emmanuel Todd (dans Le Figaro d’hier), qu’il suffit de transposer aux niveaux stratégique et bureaucratique:

« Là est pour moi le vrai mystère : comment une société peut-elle à ce point renoncer au bon sens, au pragmatisme et entrer dans un tel processus d'autodestruction idéologique? C'est une aporie historique à laquelle je n'ai pas de réponse et dont la problématique ne saurait se résumer à la politique de l'actuelle administration. C'est toute la société américaine qui semble lancée dans une politique du scorpion, système malade qui finit par s'injecter son propre venin. Une telle conduite n'est pas rationnelle, mais elle ne contredit pas pour autant la logique de l'histoire. »


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