Leçon de biopolitique, le système immunitaire afghan

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Leçon de biopolitique, le système immunitaire afghan

Le 8 octobre 2001, Donald Rumsfeld annonce que la guerre initiée quelques jours plus tôt en Afghanistan pour s’emparer d’Ossama Ben Laden présumé responsable des attentats du 11 septembre se poursuivra jusqu’à la destruction des réseaux terroristes.

Le 26 mars 2012, le Général John Allen commandant en chef des forces étasuniennes en Afghanistan, toujours dédiées à la même cause, déclare la nécessité pour ses troupes d’être protégées par des ‘anges gardiens’. Ils offriraient une couche supplémentaire de sécurité aux soldats pendant leur sommeil, leur temps d’exercice ou simplement quand ils vaquent à leurs occupations quotidiennes.

Ce haut gradé profère cette demande au cours d’audiences tenues à Washington devant le Pentagone avec le plus grand sérieux et sans provoquer ni incrédulité, rires, ni étonnement.

La procédure qui consiste à protéger des hommes dont la fonction est la protection contre le terrorisme est donc considérée comme banale.

Il arguerait même en invoquant qu’une pratique similaire prévaut parmi les troupes officielles afghanes depuis qu’elles ont inclu des officiers du renseignement furetant pour détecter d’éventuels insurgés ou des soldats voyous parmi elles.

La mission dévolue au dispositif militaire français en Afghanistan consiste essentiellement à former l’armée nationale afghane afin qu’elle assure la sécurité du pays.

Les manuels et les enseignements tirés de la contre insurrection en Algérie se révèlent ici d’une efficacité modeste près de onze ans après le début d’une offensive dans une situation sans même l’impératif de ménager une population civile allogène nombreuse et dispersée sur un vaste territoire. L’une des réussites françaises contre le FLN avait été de jeter la suspicion parmi les unités de la résistance, la décimant par des éliminations préventives de militants, y compris dans les rangs de la direction, suspectés de collaborer.

La configuration afghane de l’infiltration s’exprime en miroir, l’image s’inverse, puisque le doute s’insinue dans les rangs de l’occupation et de ses servants obligeant à multiplier les couches de surveillance.

L’activisme des firmes privées de sécurité ne doit pas être totalement étranger à ce genre de préoccupation. Certes, elles continuent d’être présentes en Irak absorbant jusqu’à 70% du budget du renseignement mais leur chiffre d’affaires risque de connaître une baisse. Un plaidoyer comme celui de John Allen est pour le moins opportun.

Brûler des Corans, uriner sur des cadavres, s’en vanter et en rire, massacrer à leur domicile sans raison des familles entières, femmes et enfants ne constitueraient pas des motifs naturels de ‘radicalisation’ des natifs du pays occupé. Les ‘anges gardiens’ devront figurer le rempart ultime contre la haine irrationnelle des valeurs occidentales, avant que ne s’immisce parmi eux la métastase du doute.

L’acception foucaldienne de la biopolitique, produit frelaté d’un journalisme élevé au rang d’une philosophie anti-philosophie, occidentale eût pu s’illustrer ici.

L’antigène, les forces d’occupation, induisent la génération de celles de la résistance.

Certaines parmi celles-ci se laissent corrompre.

Par une voie d’anticipation, l’occupant a introduit au sein de la résistance de faux éléments qui l’espionnent et en éliminent des personnages clés. Cette modalité est très documentée pour le Kurdistan en Irak et a été l’aide majeure de l’armée sioniste à la coalition.

Les anticorps de la résistance fournissent à leur tour les soldats réguliers en formation qui ruinent les efforts de pacification malgré les milliards de dollars déversés pour les opérations de “gain des cœurs” des chefs de tribus. Le gouverneur de la banque centrale afghane estime à 8 milliards de dollars annuels, soit le double du PIB national, la fuite monétaire en cash du pays dont plus de la moitié par avion.

Toute une décennie tant d’argents et de morts et à peine 6000 agents de sécurité nationaux à peu près fiables ont été formés aux dépens des efforts conjugués de la France et des Us(a). Ils sont principalement affectés à la surveillance des banques et des institutions américaines de reconstruction comme l’Université Américaine de l’Afghanistan.

Steven Trent, agent de l’Inspection Générale pour la Reconstruction de l’Afghanistan prévoit une augmentation de 46% du budget de la sécurité. (4) Rien n’est trop cher pour la première puissance du monde qui a le privilège d’imprimer du papier monnaie universellement accepté pour s’assurer la suprématie dans la région.

Brzezinski arbore-t-il le même sourire que Poutine actuellement quand il voit son programme si bien accompli ?

Badia Benjelloun