Le Système face à ISIS

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Le Système face à ISIS

On a remarqué que nous traitions de la “crise ISIS”, – puisqu’il s’agit bien d’une “crise” en raison du “bruit de communication” que l’événement a provoqué depuis l’exécution du journaliste Foley, – uniquement du point de vue de sa position, de son importance, de son influence dans l’ensemble crisique qui continue son travail de déstabilisation du Système. Ainsi faisons-nous de telles observations, dans notre texte du 23 août 2014, et sans nous préoccuper en aucune façon des conditions opérationnelles, des manigances diverses, des projets des uns et des autres, écrivant ceci qui concerne ce seul aspect crisique par rapport à la situation du Système...

Nous écartions l’hypothèse que cette affaire ait, essentiellement du point de vue des pouvoirs du bloc BAO, le moindre sens ayant le moindre intérêt pour nous. («[...O]n’y trouve pas le moindre sens sinon que les crises tournent folles, non plus l’une après l’autre, mais l’une avec l’autre et l’une dans l’autre désormais» : cela signifie, pour notre compte, qu’il n’y a dans les événements en cours, depuis la décapitation de Foley pour cet aspect des événements, le moindre calcul et sens politique et stratégique digne d’un intérêt dépassant les 2-3 minutes de réflexions convenues et sans suite. C’est-à-dire que nous écartons tout le domaine analytique, spéculatif, “bien informé”, etc., sur les tenants et aboutissants du phénomène-ISIS, les montages et complots autour, – pour notre approche et pour le cas comme nous le traitons ici, aucun intérêt, vraiment.)

«Que faire de tout cela, finalement, qui ait le moindre sens ? Rien, puisqu’on n'y trouve pas le moindre sens sinon que les crises tournent folles, non plus l’une après l’autre, mais l’une avec l’autre et l’une dans l’autre désormais. Les pouvoirs du bloc BAO, particulièrement celui des USA, sont pris dans l’imbroglio de leurs narrative élaborées à l’occasion de ces crises, avec toutes les contradictions qui vont avec, tandis que les divers centres de pouvoir s’activent à faire la promotion de leurs conceptions, de leurs intérêts, etc., et le tout produit de plus en plus vite un désordre défiant la description. Rien n’est fixé, les orientations sont fluides, les axes de conception et d’action semblent être flottants et se tordre comme des serpentins, les buts et les objectifs aussi assurés qu’un mirage dans un désert regorgeant d’un pétrole insaisissable. Que faire de tout cela, finalement, qui ait le moindre sens ? Rien, puisqu’on n'y trouve pas le moindre sens sinon que les crises tournent folles, non plus l’une après l’autre, mais l’une avec l’autre et l’une dans l’autre désormais. Les pouvoirs du bloc BAO, particulièrement celui des USA, sont pris dans l’imbroglio de leurs narrative élaborées à l’occasion de ces crises, avec toutes les contradictions qui vont avec, tandis que les divers centres de pouvoir s’activent à faire la promotion de leurs conceptions, de leurs intérêts, etc., et le tout produit de plus en plus vite un désordre défiant la description. Rien n’est fixé, les orientations sont fluides, les axes de conception et d’action semblent être flottants et se tordre comme des serpentins, les buts et les objectifs aussi assurés qu’un mirage dans un désert regorgeant d’un pétrole insaisissable...»

...Poursuivons le propos introductif à cette citation pour bien marquer que l’“absence de sens” de l’événement-ISIS, à partir de la mobilisation hystérique depuis la décapitation de Foley, implique en réalité qu’il y a eu, surtout sinon essentiellement, une série événementielle dans le champ de la communication correspondant à la situation politique à Washington comme nous l’avons décrite. C’est-à-dire que l’événement de la décapitation de Foley, – barbare, terrible, etc., mais dérisoire à côté de toutes les horreurs qui se produisent partout, et dérisoire pae rapport aux effets provoqués, – a été transformé en symbole par le système de la communication et relayé de façon colossale, et, à partir de ce moment, a pris effectivement une importance colossale. Celle-là, par contre, cette “importance colossale”, est justifiée et tout à fait compréhensible en raison de la capacité extraordinaire du symbolisme à secréter sa propre importance à partir des événements qui le touchent et qui lui importent, ou à partir de tout autre fait qu’il prend à son compte. Par conséquent, le colossal effet de la décapitation de Foley est justifié ; par conséquent et au contraire de toutes les spéculations, analyses, etc., sur les évolutions stratégiques et fondamentalistes d’ISIS et toute la réflexion opérationnelle saupoudrée des observations pseudo-théoriques (religion, etc.), cet effet est d’une réelle importance et mérite d’être considéré.

Le cas des réactions du bloc BAO à ISIS étant typiquement anglo-saxon, dans le sens et dans le cadres des relations serviles UK-USA et des narrative qui vont avec (relance de la “guerre contre la Terreur” par BHO, ou plutôt de la narrative qui va bien, selon Bhadrakumar), comme ces réactions sont uniquement de communication et dans le système de la communication avec ses lois qui forment une part considérable de l’action politique et humaniste du domaine anglo-saxon, on trouve effectivement dans le système de la communication anglo-saxon des réflexions intéressantes dans le cadre d’un débat très large et très animé. C’est encore plus le cas du côté britannique parce que l’exécuteur de Foley ayant été identifié comme Britannique (et parce qu’il y a un nombre conséquent de jeunes Britannique, en général musulmans, qui ont fait défection vers l’ISIS), c’est tout le Royaume-Uni-Système, dont on sait la fragilité psychologique lorsqu’il s’agit du “parrain” d’outre-Atlantique, qui se trouve dans une terrible et fébrile situation de culpabilité vis-à-vis de lui, du susdit “parrain” dont l’indulgence et l’attention lui sont si chères. Que cela paraisse formidablement et colossalement puéril, tout cela, à cause de la disproportion entre les faits et leurs effets, n’enlève rien à la puissance et à l’importance de la chose puisque c’est ainsi que le Système tourne fou aujourd’hui, en donnant une importance formidable à la communication et aux narrative qui vont avec.

... Par conséquent, certes, quelques-unes parmi ces “réflexions intéressantes” méritent notre attention. Ainsi, cette réflexion de Mona Siddiqui, un des fleurons de l’intégration-Système d’une élite musulmane dans l’élite-Système du Royaume-Uni, en tant que musulmane et que professeur des Etudes Islamiques et Interreligieuses à l’Université d’Edimbourg. Siddiqui publie évidemment dans le Gardian (son édition Observer, le 24 août 2014), journal par excellence du libéralisme humanitaire, multiculturel et de l’intégration réussie ; car, pour elle, Siddiqui, le cas de ces jeunes musulmans de nationalité britannique rejoignant ISIS ne représentent nullement une démonstration d’échec de l’intégration, ni une illustration de l’antagonisme “l’Ouest contre l’Islam”.

Siddiqui développe l’argument que ce qui attire ces jeunes musulmans vers des groupes tels qu’ISIS, c’est moins l’islamisme, l’extrémisme religieux, que le radicalisme de l’action, le sens d’avoir un but à accomplir, un acte fondamental à poser, – fût-il cruel, barbare, etc., – et même, plus encore, parce qu’il est cruel, barbare, etc., et donc nécessairement “extrême” encore plus qu’extrémiste. Siddiqui y ajoute le traitement barbare qu’ISIS applique aux femmes, qui renvoie effectivement beaucoup plus à la barbarie qu’à une référence religieuse, fût-elle extrême là encore...

«This lethal mix of violence and sexual power, this deeply flawed view of manhood – is this what young British Muslims are drawn to? When religious narrative can justify this kind of oppression and moral blindness, everything suddenly seems simple and the cause appears even more worthy. Instead of oppression, they see honour; instead of killing, they see victory. Women who are victims of the Isis advance are losing their brothers, sons and fathers. You lose much in war but you can still hold on to your dignity. When women lose this, they might as well have lost everything.

»It is becoming increasingly difficult to explain why the wars of the Middle East appeal to some British youth. It can't be reduced to an Islam/west debate as the Isis advance wants to wipe out the Shia as well as other minorities; Muslims killing other Muslims for the sake of “pure” Islam is sadly nothing new. Many young men see war as a drug, all powerful and mindblowing, with the thrill of donning a uniform and carrying guns. But we are no nearer to understanding the appeal of a nihilistic rhetoric among middle-class, educated young men other than it may be a way of unleashing all kinds of psychological frustrations.

»This is not a failure of integration; there is a deeper malaise than that tapping into a sense of emotional unfulfilment when you have everything. I asked my 18-year-old son last week why he thought that some Muslim men would be drawn towards groups such as Isis. He said: “You don't suddenly turn; you already have the desire in you, however deep down, through your upbringing. A lot of it comes from home.”»

»It sounds simple but I can’t help agreeing with this.»

Madame Siddiqui semble à la fois nous suggérer quelques hypothèses comme réponse alternative à la tarte à la crème du recrutement islamiste des musulmans mal-intégrés dans les pays du bloc BAO, tout en laissant entendre que la chose est bien plus complexe que l’échec de l’intégration, – et d’ailleurs, sachant que, selon elle, il n’y a pas “échec de l’intégration”. Effectivement, au Royaume-Uni comme ailleurs, la question de l’intégration ne peut susciter une réponse négative, ni positive d’ailleurs, puisqu’elle ne se pose plus. Intégration au Royaume-Uni ? Intégration dans la République (Française), laïque et fière de l’être ? De quoi parle-t-on, en vérité ?

Pour s’intégrer, il faut une structure où s’intégrer ; pour s’intégrer dans une nation, il faut que la nation, qu’une nation existe... Où voyez-vous qu’existe encore le Royaume-Uni, ou la France, ou n’importe quel autre de ces “États-membres” devenus “espace communautaire”, ou bien “espace de globalisation”, dans cette espèce de patchwork de puissance et de violence sans le moindre sens qu’est le Système, tout cela qui plonge ses racines dans une inégalité produite par l’argent, l’argent produit par l’illégalité et la corruption, l’illégalité et la corruption produites par la déstructuration des formes souveraines et la dissolution des principes ? Où voyez-vous qu’il existe une hiérarchie respectable à laquelle l’on puisse se référer, à côté des hiérarchies du crime organisé, de celles des réseaux-Système de la République ou de Sa Majesté, de celles de la culture-Système et du business (show ou pas) et de tout ce qui va avec ? Où voyez-vous que l’on vous offre l’accès à une “vérité de situation”, alors que tout se règle par des narrative produites par les officines à la fois totalitaires et tremblantes devant le Système, des services de communication ? Où voyez-vous qu’il existe autre chose que l’incitation à ce désir individuel qui permet au Système de tourner par la production et la consommation, hors de tout bien public qui n’existe plus, et qui débouche nécessairement, références de communication obligent, sur des désirs de domination individuelle, de cruauté, de perversité, mais qui peuvent aussi être représentés comme des actes de rébellion, d’insurrection et qui peuvent ne pas être loin de l’être dans ce brassage insensé ? Comment madame Siddiqui croit-elle que les psychologies fragiles des enfants de ce temps, à l’image de celles de leurs ainés qui ont capitulé pour devenir employés-Système sans l’ombre d’un souffle d’une hésitation, comment croit-elle que leurs psychologies emportées par toutes leurs faiblesses pourraient résister à l’attrait des causes toutes entières définies par leur violence et leur nihilisme ? Effectivement, on peut écarter les faux-nez de la religion et du “conflit de civilisation”, arrangeants pour alimenter les derniers feux des esprits attachés comme à un esquif dans la tempête aux restes d’une civilisation qui parvint à se faire prendre pour ce qu’elle ne fut jamais ; restent le nihilisme, les jeux-vidéo, les machins goupillés par toutes les CIA du monde... Alors, ISIS ou autre chose, manipulé par la CIA, la DIA, le SBU, le BND, la DGSE, le MI6, la NSA, le FSB, le GCHQ, ou bien même la SNCF, GDF, le Crédit Lyonnais, la Metro Goldwyn Mayer, chi lo sa et qu’importe de savoir...

Un autre collaborateur occasionnel du Guardian/porte-drapeau de nos valeurs essentielles, Hassan Hassan, analyste à l’Institut de Delam, à Abou Dhabi, un haut lieu de la pensée libérale, observe qu’il ne sert à rien de combattre ISIS si l’on ne combat pas les racines profondes d’ISIS, comme il fallait faire avec al Qaïda et que l’on ne fit pas. Que propose donc Hassa, Hassan ? Eh bien, par exemple, de ne pas s’allier avec l’épouvantable Assad sous le prétexte de combattre ISIS ; voici une mesure qui va au cœur de notre problème de la Fin de nos Temps usés... Bref, avec des critiques respectueux et réformistes de cette trempe, le Système a encore de beaux jours devant lui, c’est-à-dire assez d’espace pour produire de ces monstres comme ISIS qui le placeront devant toutes ses contradictions, legs de sa surpuissance accouchant de son autodestruction.

«Isis thrive on the inconsistencies and injustices that plague the region. A response to Isis cannot involve, for example, working with a government-linked militia that indiscriminately kills worshippers, while rhetorically recognising that a credible and viable political process is necessary for Iraq. Nor does it involve flirting with the Assad regime to fight Isis after it killed or caused the death of close to 200,000 people. The battle against Isis, which itself came on the heels of failure to address the root causes of al-Qaida before it, has to be far-reaching and consistent. Otherwise, the defeat of Isis will only give way to an even more extreme and formidable force.»


Mis en ligne le 25 août 2014 à 11H06

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