Le neocon de retour? Nous a-t-il jamais quittés ?

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Le neocon de retour? Nous a-t-il jamais quittés ?

Il est vrai et assuré que les neocons ont joué, et continuent à jouer un rôle essentiel dans l’entreprise de déstabilisation et de déstructuration, dans quelque sens que ce soit, qui caractérise la situation ukrainienne. (Il suffit de citer le nom de Victoria Nuland, fameuse depuis le 7 février 2014 comme “Victoria Nuland-Fuck”, pour mesurer l’importance de ce rôle : Nuland, épouse de Robert Kagan, couple absolument neocon dans une dynastie neocon [les Kagan], dans une galaxie neocon, etc.)

Cela invite Robert Parry à analyser la situation des forces d’influence à Washington, c’est-à-dire le rôle que joue le système de la communication, et dans quel sens. La tâche est à la fois aisée et malaisée ; elle est aisée du point de vue opérationnel, et malaisée du point de vie conceptuel. Le travail de Parry, dans son article de ConsortiumNews du 14 mars 2014, porte essentiellement, sinon exclusivement sur le point de vue opérationnel.

«...A few weeks ago, most Americans probably had never heard of Ukraine and had no idea that Crimea was part of it. But, all of a sudden, the deficit-obsessed U.S. Congress is rushing to send billions of dollars to the coup regime in Kiev, as if the future of Ukraine were the most important issue facing the American people. Even opinion writers who have resisted other neocon-driven stampedes have joined this one, apparently out of fear of being labeled “an apologist” for Russian President Vladimir Putin. Indeed, it is almost impossible to find any mainstream U.S. politician or pundit who has not fallen into line with the belligerent neocon position on Ukraine.

»And the skies ahead are even brighter. The neocons can expect to assert more power as President Barack Obama fades into “lame-duck” status, as his diplomatic initiatives on Syria and Iran struggle (in part because the Ukraine crisis has driven a deep wedge between Obama and Putin), as neocon-leaning Democrat Hillary Clinton scares off any serious opposition for the 2016 presidential nomination, and as her most likely Republican presidential rivals also grovel for the neocons’ blessings.

»But this stunning turn of fate would have been hard to predict after the neocons had steered the United States into the catastrophic Iraq War and its ugly bloodletting, including the death and maiming of tens of thousands of U.S. soldiers and the squandering of perhaps $1 trillion in U.S. taxpayers’ money. In Election 2006, GOP congressional candidates took a pounding because Bush and the Republicans were most associated with the neocons. In Election 2008, Sen. Hillary Clinton, a neocon-lite who had voted for the Iraq War, lost the Democratic presidential nomination to Sen. Barack Obama, who had opposed invading Iraq. Then, in the general election, Obama defeated neocon standard-bearer John McCain to win the White House...

Parry poursuit : «But the neocons were anything but finished. They had positioned themselves wisely...» Il décrit la façon dont les neocons sont restés implantés dans certains organismes vitaux, aussi bien au NED (National Endowment for Peace) qu’au département d’État, avec Hillary Clinton comme quasi-neocon elle-même (si ce terme a finalement un sens idéologique et politique précis : avec le cas Clinton commence à apparaître cette question, qui s’impose comme essentielle). Ils ont ressurgi avec l’Ukraine comme s’ils avaient disparu, alors qu’ils n’ont en réalité jamais disparu. Ils ont été et restent à la base de toutes les entreprises de déstabilisation, toujours avec le même but (de notre point de vue, selon l’équation dd&e). Mais la crise ukrainienne est importante parce qu’elle implique la Russie et que, par conséquent, c’est beaucoup plus qu’une étape, que c’est peut-être l’affrontement décisif, l’étape devenu terminus, etc., – tout cela, sans que ces remarques impliquent en quoi que ce soit une observation de notre part sur le résultat de l’affrontement, et même en doutant grandement qu’il faille raisonner en termes d’“affrontement” impliquant “victoire” et de “défaite” comme continuent à le faire nombre de commentateurs, – y compris nombre de commentateurs qui se disent antiSystème, ou qui se croient antiSystème. Il s’agit simplement de l’effet supplémentaire dont le système de la communication se fait l’écho, à l’occasion d’un effort supplémentaire, et peut-être décisif pour son sort, de la dynamique du Système (surpuissance-autodestruction).

«...Though Obama’s original “team of rivals” eventually left the scene (Gates in mid-2011, Petraeus in a sex scandal in late 2012, and Clinton in early 2013), those three provided the neocons a crucial respite, time to regroup and reorganize. So, when Sen. John Kerry replaced Clinton as Secretary of State (with the considerable help of his neocon friend John McCain), the State Department’s neocons were poised for a powerful comeback. Nuland was promoted to Assistant Secretary of State for European Affairs and took personal aim at the elected government of Ukraine, which had become a choice neocon target because it maintained close ties to Russia, whose President Putin was undercutting the neocons’ “regime change” strategies in their most valued area, the Middle East. Most egregiously, Putin was helping Obama avert wars in Syria and Iran.

»So, as neocon NED president Carl Gershman wrote in the Washington Post in September 2013, Ukraine became “the biggest prize,” but he added that the even juicier target beyond Ukraine was Putin, who, Gershman added, “may find himself on the losing end not just in the near abroad but within Russia itself.” In other words, the ultimate goal of the Ukraine gambit is not just “regime change” in Kiev but “regime change” in Moscow. By eliminating the independent-minded and strong-willed Putin, the neocons presumably fantasize about slipping one of their ciphers (perhaps a Russian version of Ahmed Chalabi) into the Kremlin.

»Then, the neocons could press ahead, unencumbered, toward their original “regime change” scheme in the Middle East, with wars against Syria and Iran. As dangerous – and even crazy – as this neocon vision is (raising the specter of a possible nuclear confrontation between the United States and Russia), the neocons clearly appear back in control of U.S. foreign policy. And, they almost can’t lose in terms of their own self-interest, whichever way the Ukraine crisis breaks.»

... Mais qu’est-ce que c’est qu’un neocon, enfin ? Dans les premières années 2000, après 9/11 et au moment où la narrative était si puissante qu’elle en devenait virtualisme, au moment où les USA pouvaient encore s’affirmer tout-puissants et où l’administration en place jugeait utile d’avoir une onction idéologique, on a beaucoup glosé sur le neocon. Les philosophes y sont passés, notamment Leo Strauss, et l’on intellectualisait avec délice à ce propos. L’on crut ainsi à une idéologie sinon à une philosophie. Ces temps-là sont complètement révolus. Le neocon a survécu, ô combien, tout simplement parce qu’il est devenu la marque déposée d’une pseudo-politique, bientôt identifiée comme la poolitique-Système, exécutée par ce que nous avons appelé le bloc BAO, lequel n’est autre que l’opérateur principal du Système. Par conséquent, tout ce qui s’aligne sur le Système dans ce cadre du bloc BAO exécutant la politique-Système est neocon, du sénateur McCain à notre président-poire, du Guardian lorsqu’il ne parle pas de Snowden à BHO et à BHL. Il ne s’agit plus d’une idéologie, d’une philosophie, d’une conception ni même d’une politique (la politique-Système étant stricto sensu le contraire d’une politique), mais d’une façon d’être et d’une façon d’agir conformes, et conformément au Système. Il s’agit simplement de suivre, d’accompagner et de favoriser constamment la dynamique du Système, qui est d’activer sa surpuissance avec sa tendance concomitante à l’autodestruction.

Par conséquent, le neocon en tant qu’espèce de communication n’a jamais disparu à Washington ni ailleurs. Aujourd’hui, on signale son émergence comme s’il s’agissait d’une réémergence, parce que les circonstances sont propices à une campagne de relations publiques dans ce sens, et que certaines personnalités authentifiées neocon d’origine (Nuland par exemple) ont tenu un rôle plus en évidence, et bénéficiant de ce fait d’une belle publicité. Leurs actions n’ont rien d’original puisqu’elles suivent la tendance générale du Système. Elles recherchent comme fonce un buffle, tête baissée, la déstabilisation pour opérationnaliser la déstructuration et la dissolution, comme le Système enseigne de faire. Les désastres sur les terres extérieures qui parsèment la dynamique-turbo de la tendance recommandée par la marque déposée neocon en sont le résultat normal, sinon recherché par le Système, et provoquent finalement des dégâts considérables dans le berceau du mouvement, c’est-à-dire les pays du bloc BAO et les USA en particulier. Cela est parfaitement conforme à l’équation surpuissance-autodestruction qui résume l’action générale du Système. Le désastre irakien l’a été pour l’Irak, puis, en choc en retour, pour les USA eux-mêmes, notamment avec les dépenses énormes occasionnées, préparant et accélérant l’effondrement financier et budgétaire de l’automne 2008. Il n’est donc pas question de mettre le neocon en accusation pour les échecs de la politique qu’il promeut ; l’échec fait partie du deal, ou du Great Deal, et il n’a d’ailleurs nullement la fonction habituelle qu’on lui connaît de discréditer celui qui l’a inspiré. Le neocon est le sapiens-Système porté à sa quintessence, il restera à bord jusqu’au bout, comme le moussaillon de service qui joue au capitaine qui refuse d’abandonner son navire qui coule. Nous ne sommes pas dans le domaine des calculs subtils de boutiquiers, – on fonce, on fonce, on fonce, et “avec nous le déluge”.

Nous observerons plus simplement et plus logiquement que ce simulacre de réémergence du neocon correspond, du point de vue opérationnel, à une accélération supplémentaire de la politique-Système, notamment et essentiellement avec la crise ukrainienne. Le neocon en tire un supplément de notoriété qui fait qu’on parle de lui un peu plus (beaucoup) qu’on ne fait d’habitude, comme s’il réapparaissait alors qu’il n’a jamais disparu par définition puisqu’il est totalement intégré dans la matériel humain des tendances qui sont au service de la politique-Système. Pour la Syrie, la pression interventionniste exactement de même type qu’avec l’Ukraine, renvoyant à la politique-Système, était présentée comme le fait essentiellement des liberal hawks (libéraux interventionnistes), qui désignent le même type d’activistes, et souvent les mêmes personnes, prônant ici l’“agression humanitariste” là où le neocon prône l’“agression idéologiste”. Ces deux expressions recouvrant deux facettes d’une même démarche, ce qui explique qu’on retrouve les mêmes individus : l’“agression” de cette sorte qui répond au diktat de la politique-Système est présentée à la fois comme “humanitariste” et “idéologiste”, opérationnalisation les prétentions humanitaires et idéologiques du troupeau lorsqu’il est réuni. Il y a “réémergence médiatique” ou “réémergence de communication” du neocon ; il n’y a pas une “nouvelle politique” mais, pour paraphraser Clausewitz en une formule marquée par la complication postmoderne nécessité par le simulacre qui fonde la postmodernité, “continuation de la politique-Système par une autre étiquette des mêmes ‘idiots utiles’ du système de la communication”.

 

Mis en ligne le 17 mars 2014 à 06H33