Le BRICS et la Syrie, et le “déni de réalité”

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Le BRICS et la Syrie, et le “déni de réalité”

La dialectique entourant l’évolution de la crise syrienne montre elle-même une évolution significative, si l’on suit certains observateurs avisés qui tiennent l’essentiel de l’information des pays du bloc BAO pour ce qu’elle est : “la propagande occidentale”, selon l’expression choisie par M K Bhadrakumar, qui est cité ici à nouveau, comme un de ces “observateurs avisés”. M K Bhadrakumar est intéressant, en plus d’être avisé, parce qu’il suit, avec son expérience de diplomate et son jugement retenu, l’évolution de la crise syrienne en ayant parfaitement identifié les parties en cause et le style qu’elles emploient. Ainsi du jugement général implicite qu’il porte sur la communication du bloc BAO, autorités et monde de l’information mêlés en un “seul bloc”, justement, lorsqu’il constate ceci, dans un court commentaire ce 21 avril 2012, sur son blog nommé Indian Punchline :

«Interestingly, contrary to the western propaganda that the Syrian ceasefire is “fragile”, “not good” and so on, the Indian statement expressed satisfaction that “Mr. Annan’s efforts over the past seven weeks have resulted in an improvement of the situation in Syria” and went on to estimate that the ceasefire of April 12 is holding and “has been observed by all parties in a large part of Syria.”»

…C’est, en effet, à propos, à nouveau (voir le 16 avril 2012), du comportement de l’Inde à l’ONU, et ce samedi lorsqu’a été votée une nouvelle résolution sur la Syrie, que M K Bhadrakumar poursuit sa chronique. Il note bien, ce que “la propagande occidentale” ne s’attarde jamais à trop nous faire savoir, que la résolution portant à 300 le nombre d’observateurs de l’ONU en Syriue est rédigée à partir d’un texte russe parrainé explicitement par la Chine. Le vote favorable de l’Inde est expliqué par son ambassadeur, qui appuie avec force la mission d’Annan, constate que le cessez-le-feu fonctionne plutôt bien, enfin appelle à l’impartialité et critique les pressions de certains pays qui, de l’extérieur, peuvent au contraire contribuer à aggraver la situation. Cet acte est considéré par ce chroniqueur-diplomate comme bouclant le trio du BRICS ainsi en action au Conseil de Sécurité («In sum, 3 out of the five BRICS are ‘in’ already»)…

«Puri once again called for an “inclusive Syrian-led peace process”; adherence to the Annan plan by all parties; and an “impartial supervision and monitoring of the ceasefire.” Interestingly, this is the second time India stresses the imperative of the UN observer team being “impartial”… […] Interestingly, contrary to the western propaganda that the Syrian ceasefire is “fragile”, “not good” and so on, the Indian statement expressed satisfaction that “Mr. Annan’s efforts over the past seven weeks have resulted in an improvement of the situation in Syria” and went on to estimate that the ceasefire of April 12 is holding and “has been observed by all parties in a large part of Syria.”

»The Indian statement also calls on countries to “refrain from any action that may cause further bloodshed” — an implied criticism of the continuing outside interference. Meanwhile, it is just as well that India jumped out of the ‘Friends of Syria’ cabal in the nick of time.»

Le fait extraordinaire de la situation actuelle est bien qu’elle est caractérisée par une bataille pour “la réalité”. Pour nombre de commentaires venus du bloc BAO, y compris les informations venues de “sources diplomatiques” (les “sources” françaises ne sont pas les dernières dans ce sport), les derniers développements, y compris ce vote à l’ONU pour augmenter le nombre d’observateurs, marquent un désaveu cinglant infligé au “régime Assad” et un rapprochement russe et chinois des thèses du susdit bloc BAO. Ce véritable “déni de réalité”, comme certaines sources que nous connaissons assez pour les sortir de ce jugement général défavorable qualifient ce comportement, n’est justement pas simple “propagande”, même s’il peut paraître aussi cela, et fort logiquement, à un M K Bhadrakumar. Les diplomaties du bloc BAO travaillent sur de tels constats, comme s’il s’agissait d’autant de constats d’une réalité incontestable, et il s’agit bien d’un virtualisme organisé mécaniquement, par des psychologies épuisées et en état d’hypomanie. Dans des rencontres d’un haut niveau, notamment dans les services de la Haute Représentante de l’UE (Ashton) avec des partenaires extérieurs, il était annoncé deux ou trois jours avant le vote de l’ONU que la Russie et la Chine étaient en train de rejoindre “notre camp” (le camp du bloc BAO) ; cela duplique les déclarations faites par Sarkozy à Europe n°1, jeudi dernier, selon lesquelles le président français espérait que la Chine et la Russie rallieraient rapidement ce même “camp occidental”. Le même jour où toutes ces déclarations étaient faites, en privé et en public, Lavrov condamnait sévèrement la réunion des “Amis de la Syrie”, à Paris, effectivement tenue comme une de ces actions de “certains pays” qui peuvent provoquer “des troubles supplémentaires”, selon les termes de l’ambassadeur indien à l’ONU. Quant à la résolution de samedi, qui devait voir le “ralliement” de la Russie et de la Chine, voici la présentation qu’en fait l’ambassadeur de Russie à l’ONU Chourkine, répondant aux questions de Russia Today, le 22 avril 2012  (à cette question : «The Security Council has just agreed to boost the number of observers. Do you think this time around the mission will be a success?»):

«We certainly hope so. In fact we are very pleased with the outcome of today’s vote, which happened less than two hours ago. It was Russia who took the initiative in introducing the draft yesterday morning. And it took us just 26 hours to bring it to fruition, to the unanimous vote of the Security Council on a rather complex resolution, both politically and technically, no mean feat by Security Council standards, let me tell you.»

Toute la diplomatie du bloc BAO fonctionne selon cette vision complètement déformée de la réalité, selon ce virtualisme construit pour justifier une politique qui a comme source principale l’influence psychologique systémique et terroriste du “parti (unique) des salonards” telle que nous la décrivons le 20 avril 2012. Nul, dans cette cohorte, ne prête vraiment attention à la signification des déclarations russes et chinoises, au comportement de l’Inde au Conseil de Sécurité, à la signification de leurs votes, etc. Tout cela est interprété selon ce “déni de réalité”, accordé au virtualisme imposé par la dialectique salonarde, et posé comme la vérité irréfutable de la crise syrienne. (...Et du reste, tout fonctionnant sur ce mode dans le bloc BAO.)

La description de l’aspect opérationnel de cette situation va de pair, comme on peut la suivre aussi bien chez nos présentateurs de JT de base que dans les déclarations d’un Juppé, que dans les réunions secrètes et les cables diplomatiques. Tout l’appareil psychologique du bloc BAO fonctionne selon la même partition, dans une atmosphère qui apparaît effectivement lorsqu’elle est vue de l’extérieur comme un complet “déni de réalité”. Du même point de vue opérationnel, cela signifie, devant l’échec des diverses entreprises du bloc BAO, un repli de plus en plus marquant dans l’irresponsabilité furieuse, tout en suivant le processus de plus en plus imposé par la Russie et la Chine (il est remarquable de l’engagement chinois que la Chine co-parraine explicitement avec la Russie la résolution de samedi), et de plus en plus inscrit dans la légalité du cadre de l’ONU.

Ce point du “suivisme contraint” et de l’“irresponsabilité déclamatoire furieuse” des pays du bloc BAO apparaît dans d’autres remarques faites par Chourkine, au cours du même interview. L’ambassadeur russe observe combien le comportement des grands pays du bloc BAO apparaît ainsi fort étrangement contradictoire, ces pays votant pour une résolution tout en fustigeant et en attaquent l’esprit de cette résolution par des déclarations bellicistes, hostiles à la mission Annan et ainsi de suite…

«But what was troublesome to me in the statement which was made by Ambassador Rice and by some colleagues from West-European countries, even though they supported this Russian draft and the adoption of this resolution, is that they missed an opportunity to send a signal to the opposition. They kept criticizing the government saying nothing about what they expect from the opposition, which is in fact outlined very clearly in the Security Council resolution which they themselves had just voted for.

»And all those predictions of doom and gloom, and threats of various plans which are being hatched somewhere, those things are not productive. I think they are distracting from the implementation of the Kofi Annan plan and from the political effort of the Security Council. And they may give ground for some extremists to believe that their cause still has some prospect for taking over the political process which we are trying to see established in Syria.

»So, you know, we are not naive. Even though the Security Council voted unanimously today, we know that some members of the Security Council, some important members of the international community, are still continuing to think in confrontational terms towards the Syrian government. Incidentally, one very important aspect of what happened today by the vote of the Security Council in favor of this resolution is that the Security Council has by and large re-established its prerogatives in the Syrian crisis as the international body which holds primary responsibility for matters of international peace and security.»


Mis en ligne le 23 avril 2012 à 05H52

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