La lacune et le bord entamé

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La lacune et le bord entamé

Il y a un an, cinq cents enfants ont été assassinés par l’armée la plus morale au monde. Gaza l’assiégée essuyait le feu des F16 et des Apache que les Usa octroient au gouvernement de Tel Aviv pour se défendre contre des roquettes artisanales.

Tel Aviv avait répandu la rumeur, alors que les services de sécurité intérieure en connaissaient l’origine crapuleuse, que le rapt et l’assassinat de colons trois Israéliens en Cisjordanie (mais qu’y faisaient-ils ?) avaient été commis par le Hamas. Peu après, un jeune Palestinien de 16 ans Mohammad Abou Kheidr a été kidnappé à Jérusalem par des colons et brûlé vif.

L’opération policière contre Gaza pouvait commencer.

Les journaux bien avisés appellent ces séquences orchestrées par la quatrième armée de la planète un nouveau « cycle » de violence, comme s’ils décrivaient un accès éruptif ou fébrile inévitable au cours d’une maladie génétique inguérissable.

Le monde a été écoeuré de son évidente sauvagerie.

Débord

Le 31 juillet 2015, comme pour commémorer « Bordure protectrice », des colons en bande ont incendié deux maisons dans le village de Douma au voisinage de Naplouse.

Un enfant de 18 mois, calciné, en est mort immédiatement.

Cet acte a soulevé une indignation à la mesure de sa barbarie. Il a suscité des commentaires et des condamnations unanimes qui ont été répercutés par les médias y compris ceux habituellement muets sur les crimes des sionistes. Le chef de file des soixante députés israéliens qui siègent à l’Assemblée Nationale a requis contre les pyromanes des sanctions exemplaires !

L’émoi mondialisé est une réplique inconsciente à l’incrustation dans les esprits du « four crématoire ». L’industrie de l’holocauste a réussi à justifier l’existence d’Israël par le traitement par le régime nazi de la question juive que l’opinion est convoquée à toujours expier. Or le dernier passe-temps adopté sans bravoure car sûrs de leur impunité par les colons de transformer des Palestiniens en torches vivantes évoque les termes de la solution finale.

Bombarder depuis le ciel est une extermination civilisée, admissible.

Le corps à corps et les combats rapprochés y compris le sacrifice par le feu appartiennent à l’ordre de la vulgarité et de l’immoralité. À proscrire à l’ère de la surveillance par les drones, du contrôle des populations par le phosphore blanc, les bombes assourdissantes, les sanctions économiques et les blocus.

La grande affaire pour les actuels occupants de la Palestine colonisée est l’accolement fait par Netanyahu des deux termes Juif et Terroriste.

Le responsable actuel de l’administration coloniale a ressenti la nécessité d’installer des contre-feux en isolant les « quelques Juifs fondamentalistes extrémistes » du reste de la population, la saine d’esprit, elle qui venait assister depuis la colline de Sdérot au bombardement de Gaza, sur des fauteuils en rangs serrés, cornets de pop corn à la main.

Il sollicite de l’argent et des armes pour défendre son régime doté de l’arme nucléaire contre des lanceurs de pierre. Une loi vient d’être adoptée qui prévoit 20 ans d’emprisonnement pour toute personne lapidant un char avec son arbalète.

Un diplomate de Tel Aviv en poste à Berlin vient d’affirmer haut et fort que les relations avec l’Allemagne ne seront jamais normalisées car il est dans l’intérêt de l’État qu’il représente de maintenir toujours active la culpabilité allemande. La gratuité des sous-marins Dolphin est à ce prix.

Plus rétifs se montrent les Étasuniens depuis 2007 à puiser dans leurs poches déjà vides pour financer davantage l’armement de l’entité sioniste contre une menace nucléaire iranienne inexistante.

Raccord

Une enquête menée par l’IRmep (auprès d’un échantillon représentatif avec un intervalle de confiance de 2%) indique nettement qu’à peine 8% sont prêts à voir s’accroître l’aide directe actuelle de 3,5 milliards de dollars à 5 milliards.

4% à peine soutiennent l’idée de livrer à Israël des bombes très pénétrantes et des B52.

3% ne voient pas d’inconvénients à libérer l’espion Jonathan Pollard.

En effet, Les Zuniens savent que plus d’un diplômé d’université sur deux n’a pas d’emploi ou travaille en dessous de ses qualifications, d’autant que les étudiants s’endettent toute leur vie pour une formation qui ne leur assure pas un avenir professionnel décent. D’après le Département de l’Éducation, le montant de la dette contractée pour payer les études supérieures s’élève à 1000 milliards. L’énormité de la charge compromet l’entrée sur le marché de nouveaux acheteurs potentiellement solvables dans l’immobilier, affaiblissant la reprise dans un secteur primordial pour l’économie US. Les grandes Universités américaines sont de grands acteurs dans le marché spéculatif mondial, de même les fonds de pension.

La jeunesse est exposée à une double strangulation. La baisse des impôts et la privatisation de l’enseignement la condamnent à s’endetter pour acquérir une formation inefficace à lui fournir du travail. À l’autre pôle, les retraites de leurs aînés, constituées par capitalisation pour pouvoir être distribuées, sont en recherche constante d’une rentabilité financière qui déstabilise l’économie mondiale et constituent un facteur supplémentaire de précarisation de l’emploi.

Les démocraties occidentales n’orientent pas leur politique en congruence avec l’opinion de leurs populations, elles la travaillent pour la rendre conforme à leurs décisions, si bien que pour de sottes raisons de maintien du flux d’exportation depuis le Complexe militaro-industriel, l’augmentation de l’aide promise sera probablement assurée.

Les trous

L’entreprise de services financiers MSCI publie des indices censés refléter la performance boursière des marchés : la capitalisation boursière de la multinationale Intel équivaut à celle de tous les titres cotés à la bourse russe, celle de Wells Fargo correspond aux actions titrées en Inde. La mise en oeuvre de l’assouplissement quantitatif initié par la Fed puis la BCE a consisté à injecter des liquidités dans le marché boursier créant des bulles. Ainsi les tailles des firmes évaluées de la sorte sont une fiction qui donne un même poids à un machin qui a 80 000 employés dans le monde et un État de 143 millions étendu sur deux continents.

Comment tenir une telle invraisemblance sinon par une guerre permanente, celle annoncée par G W Bush ?

Elle va bon train.

Nouveau pays dévasté, le Yémen a vu la moitié de sa population déplacée et la catastrophe humanitaire annoncée est majeure.

Il n’y a certes pas de plan concerté pour transformer le Moyen Orient en zone dominée et dirigée par des trafiquants en tous genres, le commerce d’esclaves sexuelles venant d’Europe de l’Est et pénétrant le marché de Tel Aviv par le Sinaï n’en est pas le moindre.

Mais on assiste à une sorte de morphogénèse où les nations européennes se dissolvent dans un artefact qui les absorbe et où les pays arabes se fragmentent à l’infini. La prouesse ultime revient à la division des Territoires de 1967 en Gaza enfermée de toute part et une Cisjordanie réduite à quelques villes encerclées. L’arrivée de Negroponte, le protecteur des Contras au Nicaragua, en tant qu’ambassadeur à Bagdad en 2004 laissait deviner la tendance de la mise en forme escomptée.

Blessure à bord

Comme l’a si justement décrit René Thom dans son cours de topologie et des catastrophes, une entité saillante se définit par son bord, sa frontière, c’est ce qui la distingue du fond.

Le bord du bord est vide.

Une entaille faite à ce bord est une blessure, une amputation. Elle transforme l’entité saillante qui disposait d’une certaine permanence, son individualité, en forme lacunaire, instable.

Quelques jours avant que le jeune déséquilibré ne vienne tuer par le feu une maisonnée endormie, Israël a blessé tout le monde musulman en laissant pénétrer des colons fondamentalistes dans la mosquée Al Aqsa.

L’assassin du bébé de 18 mois traduisait l’ambiance prégnante : tuer de l’Arabe est plus que permis, c’est une recommandation. Il exprimait aussi l’autre face de la même réalité : quel avenir serein peut-il espérer ici où ne se parle plus que la langue du profit qui a perdu son optatif et qui ne se conjugue qu’avec l’exclusion, l’énucléation, la perte de ses par(t)ois et définitions ?

Badia Benjelloun



Ali


Un petit être à peine éclos dans ses langes

Reposait, de ses gazouillis les anges

Entretenait. Mon village semble étrange

À cette heure, des pas furtifs le dérangent.


De jour, les miens leurs souvenirs engrangent

Puis aux veillées, les content, les échangent.

Le barrage leur a interdit la vendange

Cette saison. La cueillette des oranges


Sera-t-elle autorisée par l’ennemi

Qui depuis ses tours et ses viseurs épie ?

Pour joindre l’école, aurons-nous un permis ?


Tout autour, dilatée, son ombre sans répit

Rôde. Il incendie la maison endormie

Sacrifiant à sa haine la vie d’Ali.


Badia Benjelloun