La fronde des États de l’Union versus NDAA s’étend

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Ces quelques derniers jours des éléments nouveaux sont venus s’ajouter à la bataille engagée par les États de l’Union contre le centre, c’est-à-dire contre la loi budgétaire annuelle du Pentagone dite NDAA (National Defense Authority Act) contenant les paragraphe 1021 et 1022 autorisant les détentions arbitraires, indéfinies, non justifiées, hors de toute procédure judiciaire légale, de citoyens non-US et de citoyens US. Les États s’appuient sur la procédure de “nullification”.

Actuellement, sept États sont législativement engagés sur la voie d’une législation anti-NDAA, avec la Virginie comme le plus proche de la proclamation de la loi, et avec le Missouri comme plus récent État engagé sur la voie législative effective (le 23 février 2012). Les sept États sont : Arizona, Maryland, Missouri, Oklahoma, Tennessee, Virginie, Washington. (D’autres États, bien sûr, envisagent de suivre cette même voie.) D’autre part, au niveau des comtés (entités législatives des États) et des législatures urbaines, des initiatives sont prises pour des résolutions anti-NDAA. Le 23 février 2012, le TenthAmendmentCenter.com signalait pour ceci le Missouri : «Local lawmakers have also joined the fray, with seven county or city governments passing resolutions denouncing NDAA detention without due process.»

• Une nouvelle importante est l’achèvement (le 28 février) du processus législatif pour la Virginie avec le vote du Sénat de cet État (39 voix contre 1), rejoignant le vote de la Chambre (96-4) pour former une majorité écrasante du Congrès de l’État de Virginie de 135 voix contre 5. Il reste maintenant au gouverneur à signer le texte législatif pour le transformer en loi de l’État de Virginie. Le TenthAmendmentCenter.com signale, le 28 février 2012 :

«Today, the Virginia Senate took a firm stand in support of liberty, the Constitution for the United States, and the Constitution of Virginia by voting in favor of House Bill 1160 (HB1160), the “NDAA Nullification Act.” […]

»The bill’s primary sponsor, Delegate Bob Marshall, had this to say in support: “During World War II, the federal government incarcerated tens of thousands of loyal Japanese Americans in the name of national security. By this bill, Virginia declares that it will not participate in similar modern-day efforts…” […]

»While the bill doesn’t directly block federal agents from carrying out their new NDAA powers, this is part and parcel of a larger NDAA nullification campaign around the country. Currently 7 local governments have passed resolutions ranging from a denouncement of the federal act in three Colorado counties to requiring noncompliance with it in places like Fairfax, CA and Northampton, MA. And, 7 states are currently considering legislation like Virginia’s – all based off the model legislation provided by the Tenth Amendment Center, the Liberty Preservation Act.»

• Une autre nouvelle est l’intérêt de l’État de l’Utah pour une législation anti-NDAA, selon une approche un peu différente, plus conciliante vis-à-vis des intentions (en principe l’action antiterroriste) des dispositions 1021 et 1022 de la loi NDAA. C’est Russia Today du 28 février 2012 qui développe la nouvelle. «Utah is now the latest state to draft legislation specifically condemning the provisions in the National Defense Authorization Act that allow the president to indefinitely detain American citizens without charge. […] “Our concern is in the definition of ‘terrorist,’ ” Dalane England of the Utah Eagle Forum tells the Salt Lake City Tribune. […] Todd Weilier, a Republican senator representing the Woods Cross district of Utah, adds to the paper that other legislation with good intentions have been used in the pass to implement harsh punishments on Americans that are otherwise undeserving of such. “I have a legitimate fear this National Defense Authorization law will do the same thing”.»

• Il s’agit d’un mouvement extrêmement important, non seulement parce qu’il est évidemment centrifuge mais, en plus, parce qu’il s’appuie sur une tendance “centricide” si l’on peut forger ce néologisme : non seulement les États s’opposent à une législation de centre mais ils mettent en cause les compétences et la constitutionnalité du centre en l’occurrence. Par exemple, le projet de loi du Missouri accuse le Congrès d’un acte inconstitutionnel : «The enactment into law by the United States Congress of Sections 1021 and 1022 of the National Defense Authorization Act for Fiscal Year 2012 is inimical to the liberty, security, and well-being of the people of Missouri, and was adopted by the United States Congress in violation of the limits of federal power in the Constitution of the United States, including but not limited to, those listed in subsection 2 of this section.» D’autre part, certains projets de loi ne s’en tiennent pas au rejet de NDAA ; ils assimilent un acte d’un agent fédéral appliquant les deux sections de NDAA (1.021 et 1.022) en arrêtant une personne dans les conditions arbitraires signalées à un “kidnapping”, c’est-à-dire un acte passible d’une arrestation, d’une inculpation et d’un procès avec condamnation à la prison. Enfin, ces mouvements ne suivent nullement les lignes de partage nationaux et se trouvent là aussi en dysfonctionnement antagoniste avec le centre : les législations sont toujours bipartisanes (comme le montre le vote du Congrès de Virginie) et ne se retrouvent nullement dans le partage dans les deux ailes républicaine et démocrate du “parti unique” washingtonien. Il s’agit en général de démarche “nationale” des États, sorte d’“union nationale” à leur niveau si l’on veut.

• Le signe paradoxal de l’importance du mouvement, comme toujours, c’est le silence très élégamment assourdissant observée en général par la grande presse-Système au niveau national. Carl Herman, de Examiner.com, observe, le 28 février 2012 :

«Virginia's Senate voted today (39-1) to nullify NDAA 2012 provisions to seize American citizens at the dictate of the federal executive branch. They joined the House's 96-4 vote.

»Do an Internet news search for this story (like this); you won't find any corporate media coverage. This is what Secretary of Defense Rumsfeld meant with Information Operations Road Map (specifically with endnote 76 in an article on the also non-covered Martin Luther King civil trial that found the US government guilty of assassinating Dr. King), and what CIA-disclosed Operation Mockingbird was meant to achieve: no corporate media opposition…»

L’affaire de la rébellion des États de l’Union contre NDAA est explosive à plus d’un égard. On trouve ci-dessus bien des arguments spécifiques pour une telle conclusion, mais il y a d’autres arguments, plus généraux. Le principal d’entre eux, c’est le caractère extrêmement vague des références juridiques et constitutionnelles impliquées. Par exemple, il n’existe aucune définition officielle de la “nullification” mais des interprétations, qui divergent évidemment, avec des notions antagonistes, – ici, la nullification comme acte d’opposition d’un État soumis à une législation supérieure (la Cour Suprême, éventuellement), là un acte législatif impératif dépendant du seul État qui l’a adopté. D’autre part, il y a des conflits d’autorité sur certains occurrences spécifiques, notamment entre un agent fédéral et un agent de l’État sur le territoire de cet État, où rien n’est tranché décisivement, surtout à la lumière des législations anti-NDAA qui sont particulièrement dures de la part des État. En général, la prééminence de l’agent fédéral en matière de sécurité est reconnue, mais c’est un fait de coutume et nullement une réalité juridique ; dans le cas de NDAA, on se trouve sur une terra incognita, avec la question de savoir si des affrontements physiques sont éventuellement possibles entre agents fédéraux et agents de l’État. Il faut appréhender le potentiel explosif de ces situations dans le climat actuel, alors qu’elles convenaient dans un Système en bon état de marche en ayant l’avantage de ne pas confronter les différents acteurs à des définitions plus précises qui auraient révélé des conceptions inconciliables. (L’essentiel du corpus constitutionnel des USA est bâti sur ce vague, comme on dit “bâti sur du sable”, de notions essentielles mal définies, – dont la “sécession”, toujours envisageables constitutionnellement aujourd’hui. C’est le seul moyen de faire tenir cohérent et soudé un ensemble aussi disparate. Mais il faut que tous les intérêts coïncident et que le centre montre assez d’autorité et d’efficacité, donc de légitimité… C’est de moins en moins le cas.)

On comprend aussitôt l’enjeu. Il s’agit certes de NDAA, mais, très vite, la chose peut apparaître comme un simple prétexte ou un détonateur. Derrière se profile le vrai conflit, exacerbé par les conditions de crise aux USA, où certains États contestent la politique du centre ; c’est le conflit du pouvoir des États contre le pouvoir du centre. Le conflit, toujours latent aux USA, devient explosif à partir d’une excellente plateforme (NDAA et sa contestation) à cause de cette circonstance décisive que le centre est en processus de délégitimation accélérée, et que la légitimité souveraine des États ne cesse de se renforcer par contraste, par un mécanisme normal de vases communicants. Les principe de légitimité et de souveraineté existent et se déplacent selon les déplacements de la situation réelle, puisqu’il n’existe aucune situation essentielle fixant ces principes, – et certainement pas celle du centre qui n’est bâtie que sur divers moyens de coercition depuis la Guerre de Sécession, et qui est désormais en crise profonde.


Mis en ligne le 1er mars 2012 à 05H04

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