L’étrange cas du porte-hélicoptères Mistral et de l’“initiative Medvedev” sur la sécurité européenne

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Si l’on s’en tient à des informations datant du 5 novembre 2009 (Novosti, reprenant un article de la presse russe) et nullement démenties depuis, le voyage de Poutine en France (26 et 27 novembre), avec rencontre du Premier ministre français mais aussi du Président Sarkozy, sera l’occasion de parler, peut-être décisivement, de l’achat du porte-hélicoptères français Mistral (1 + 4 unités construites en coopération). L’essentiel de la nouvelle était résumée dans le fait que la conclusion de ce marché dépend d’une “impulsion politique” («…ce que les services français et la société publique DCNS qui construit ces navires, attendent, c’est une impulsion politique. Il en est de même en Russie, affirme une source au ministère russe de la Défense»).

D’autre part, il devrait y avoir sous (très) peu (demain, en fait, on ne vous cache rien) des nouvelles concernant la proposition (5 juin 2008) de Medvedev d’une architecture de la sécurité en Europe. Nous nous proposons de vous exposer une réflexion qui implique, non pas qu’il y a lien explicite entre les deux nouvelles – ce qui nous paraît exclu – mais qu’il existe objectivement un lien entre les deux nouvelles, on dirait par “la force des choses”. On peut ajouter, pour corser la réflexion, le cas de l’OTAN qui se tient en embuscade par rapport à ces deux affaires.

Notre commentaire

@PAYANT Effectivement, à côté de l’annonce de la visite de Poutine à Paris, il y a du nouveau du côté de la l’“initiative Medvedev”, qui languit depuis un an et demi, qui semble être une sorte de monstre du Loch Ness dont les Occidentaux aimeraient être quitte (ils n’aiment pas les problèmes qui forcent à réfléchir) mais que les Russes, qui sont obstinés, ne lâchent pas. Les Russes ont annoncé qu’ils apporteraient demain, à une réunion de l’OSCE, des précisions sur l’“initiative Medvedev”. «Quelles précisions? s’interroge pour nous la source européenne qui nous rapporte la nouvelle. Un mémo de deux pages avec des généralités passe-partout ou une brique de 800 pages qui pourrait constituer le corps d’un traité paneuropéen? Nous n’en savons rien.» Les Européens de l’UE, qui ont institué un “machin” nommé “processus de Corfou”, dont l'une des tâches est de suivre notamment cette affaire Medvedev, qui constitue un fait un écran de fumée destiné à noyer le poisson, semblent décidés à ne pas réagir à cette initiative russe, parce qu’elle est trop rapide, sans avertissement, sans informations préalables, etc. Façon de poursuivre l’écran de fumée par des voies détournées, bien dans la dynamique manière de l’UE, qui prépare sa Très Grande Politique Etrangère avec l’allant qu’on sait. Il n’empêche que l’initiative de demain montre que les Russes ne détellent pas, qu’ils restent accrochés à leur idée et qu’ils pourraient effectivement préparer quelque chose de très sérieux pour 2010. Et s’ils développent finalement leur proposition, demain ou à une autre occasion, même si l’UE réserve sa réponse, ce qui n’est pas un bouleversement insupportable, certains dirigeants politiques occidentaux, eux, seront fortement intéressés et pourraient donner leur avis à ce propos.

Là-dessus, l’affaire du Mistral. Elle a commencé dans la plus extrême confusion, les militaires russes (les marins) annonçant avec enthousiasme qu’ils allaient acheter ce porte-hélicoptères français et en produire en coopération quatre autres, les Français, eux, ne disant rien; puis les Français disant certaines choses un peu contradictoires (un “oui” du ministre de la défense”, un “il faut d’abord un accord politique” du ministre des affaires étrangères”). Là-dessus, on nous laisse savoir que les experts militaires russes ne sont pas très fanatiques d’un achat d’un matériel étranger de cette sorte (très grande importance stratégique), tandis que les, ou des militaires français, récemment réintégrés dans l’OTAN, sont aussi réservés (pensez la Russie, la Guerre froide, le Mur de Berlin, la pauvre petite Géorgie et tutti quanti). A l’OTAN, d’ailleurs, lorsqu’on en parle ou lorsqu’on en fait parler, ce n’est pas du tout l’enthousiasme. Ainsi cela semble-t-il au départ une affaire que veulent des militaires et dont les politiques se gardent un peu, puis dont on s’aperçoit que les militaires se méfient alors que les politiques, eux, en font une affaire d’Etat qui serait réglée dans un triangle Poutine-Fillon-Sarkozy. Pour nous annoncer quoi? Que l’affaire ne se fait pas? Ce ne serait pas de la très grande politique et une piètre communication, si c’est le cas, et pas non plus une belle ouverturte pour l’Année Franco-Russe (2010) dont on chuchote que Sarko voudrait en faire l’occasion de l’un ou l’autre “coup” avec les Russes.

Maintenant, rapprochons les deux affaires, l’“initiative Medvedev” et le Mistral – en précisant que c’est pure spéculation de notre part. Ces deux affaires sont en devenir – à moins qu’on nous annonce de terribles nouvelles dans un sens négatif demain ou le 26-27 à Paris. L’une à la lumière de l’autre et vice-versa, toutes les deux prennent des allures bien différentes. La question de l’“initiative Medvedev” devient agrémentée de l’illustration d’une coopération militaire et industrielle qui rendrait bien compte de l’esprit de la chose, et l’affaire Mistral devient complètement, absolument politique. En effet, l’“initiative Medvedev” est, dans son esprit, bien entendu basée sur la coopération paneuropéenne, et quel plus bel exemple (l’affaire Mistral) de coopération que dans le domaine militaire, là où l’Europe a été divisée et reste encore divisée d’une façon complètement absurde, par des archaïsmes militaires imposés par des conformismes de castes et les amicales pressions du complexe militaro-industriel, clef de voute du système de l’américanisme.

En d’autres termes, même si personne ne l’a fait, il serait temps de mettre sur le pied de la comparaison qui importe ces différentes affaires, et laisser parler la politique plutôt que les archaïsmes stratégiques portant sur la quincaillerie. Peut-être l’OTAN, ou bien certains de ceux du parti atlantiste qui soutiennent l’OTAN dans l’esprit de sa forme classique, sont parmi les seuls à avoir bien compris les divers enjeux de toutes ces affaires, et notamment de l’affaire Mistral dans le contexte où on la place; il faut rappeler que certains vont jusqu’à évoquer la perspective de l’entrée de la Russie dans l’OTAN pour éviter toute cette sorte d’initiatives qui échappent aux cercles transatlantiques et ont des allures un peu trop franco-russes, un peu trop paneuropéennes et européanistes.

…Tout cela, pure spéculation des temps qui courent.


Mis en ligne le 23 novembre 2009 à 05H51

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