L’Amérique prisonnière de l’“American Way of War” (et du CMI)

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Eugene Jarecki est un de ces dissidents dont les marges de la société US ont le secret, – marges toujours florissantes au reste, et même de plus en plus dans ces temps de crise systémique. Jarecki, producteur de films documentaires, auteur, a comme objectif particulièrement ajusté le complexe militaro-industriel, qui est le cœur producteur de puissance de la machine, du système de l’américanisme. Le terme qu’il emploie dans son dernier livre (The American Way of War: Guided Missiles, Misguided Men, and a Republic in Peril) indique l’évolution dont il estime qu’elle caractérise l’Amérique: l’American Way of War étant devenue la façon d’être de l’Amérique, l’American Way of Life venue à visage découvert.

L’intérêt de la réflexion de Jarecki, qui rejoint d’une certaine façon celle de James Carroll, c’est de percevoir le complexe militaro-industriel au cœur du phénomène américaniste d’une façon très concrète comme un système, comme une machine, qui se nourrit de sa propre puissance, qui fonce sans but, qui se déplace selon l’inertie dynamique de sa puissance, dans une situation absolument nihiliste. Jarecki réduit justement les responsabilités intellectuelles des hommes du système, en général et faussement représentés comme les machinistes de la chose, des concepteurs, des manipulateurs, etc. Pour lui, il y a une machine en marche, et les hommes du système la servent plus ou moins avec zèle, souvent avec de bonnes intentions initiales qui capitulent devant la puissance de la chose, en général sans réaliser pleinement la situation ainsi décrite, et même souvent en n’en réalisant rien du tout. Les hommes du système sont plus coupables d'aveuglement, de lâcheté et de servilité que de machiavélisme et de volonté d'asservir.

Interviewé le 20 octobre sur Democracy Now! par Amy Goodman, Jarecki donne ainsi, au travers du cas d’Obama, qui a des chances de devenir le prochain président, une bonne définition du fonctionnement du système… (L’interview a commencé sur une audition d’un passage du fameux discours, dit “du complexe militaro-industriel”, du président Eisenhower, le 17 janvier 1961.)

»Amy Goodman: Barack Obama, who is now ahead in the polls two weeks ahead of the election—early voting has begun in scores of states right now, so people have already cast their votes—has pledged to increase military spending…

»Eugene Jarecki: Yes.

»Amy Goodman: …and has called for a surge in Afghanistan.

»Eugene Jarecki: Yes. Well, this is—you know, this is business as usual in Washington. And I think, you know, somebody like Barack Obama, you see somebody with what you would feel are probably very good intentions, and you get the sense that around the Obama kitchen table there’s a lot of heartfelt, well-meaning thought going on, and yet the machine does not care how well-meaning Barack Obama is, doesn’t care how well-meaning the voters are who hope that Barack Obama can make change. The machine is a cutthroat instrument of power. And all the rest of us are kind of cannon fodder in it.

»And it’s not because it’s, you know, run by evil men like Dick Cheney. That’s kind of incidental. What really is happening is that you have a machine out there that has a vested interest, that simply pulses forward. And the only thing that can slow it is what Eisenhower called an alert and knowledgeable citizenry, basically all of us being deeply engaged. And we’re not, for several reasons that have to do with how our society evolved and how the American way of war took over the American way. »

La description est remarquable, c’est la description d’une machine que personne ne contrôle, qui exerce son contrôle sur tous les membres du système. La remarque sur Cheney est intéressante, parce qu’elle montre effectivement que les orientations idéologiques ou d’éventuelles pathologies n’ont la capacité et la possibilité de s’exprimer que dans la mesure où elles vont dans le sens ouvert par la machine. (GW Bush est un enfant de la logique mécanique de cette machine. Il n’est pas un accident catastrophique.)

Les remarques concernant l’interprétation du discours d’Eisenhower signalent que la seule possibilité d’attaque sérieuse contre la machine (le système), c’est par l’extérieur. Il y a une suggestion de révolte pour la population, qui revient, éventuellement pour un dirigeant, si on en trouve un, à faire du gorbatchévisme (l’attaque du système par l’extérieur).


Mis en ligne le 24 octobre 2008 à 05H52