L’agression géorgienne du 7 août 2008 et la restauration du leadership US

Bloc-Notes

   Forum

Il y a 3 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 668

Le site WSWS.org, commentant un article du New Yoek Times du 7 novembre, expose le 8 novembre des développements intéressants concernant la crise géorgienne d’août dernier. Ces développements peuvent également concerner les relations des USA avec la Russie, avec l'arrivée de l'administration Obama.

Au départ, il y a un rapport de l’OSCE, objet de l’article du NYT, qui conclut à la responsabilité complète de la Géorgie dans le conflit du 7 août dernier. Ironie sympathique, un qualificatif employé par la catéchisme américaniste, et d'ailleurs repris par les obligeants Européens, pour caractériser la “riposte” russe dans cette crise (“disproportionné”, ou “disproportionate”), est employé dans ce cas pour caractériser l’agression de là Géorgie. Le NYT épouse complètement les conclusions du rapport de l’OSCE, dans cet article placé pour qu’il soit vu et lu, en première page du quotidien.

WSWS.org présente cette affaire.

«The New York Times on Friday carried a front-page article headlined “Accounts Undercut Claims by Georgia on Russia War.” The article cited a report by the Organization for Security and Cooperation in Europe (OSCE), a multinational association of 56 member states whose monitors were in Georgia when the fighting broke out, which demolishes the official US account of the August 2008 Russian-Georgian war, according to which the war was an act of Russian aggression.

»The OSCE concluded that the conflict began on August 7 when US-trained Georgian troops shelled Russian peacekeepers and civilians in the capital of Georgia's breakaway province of South Ossetia, Tskhinvali.

»According to Friday’s New York Times, “the accounts suggest that Georgia's inexperienced military attacked the isolated separatist capital of Tskhinvali on August 7 with indiscriminate artillery and rocket fire, exposing civilians, Russian peacekeepers and unarmed monitors to harm.” The newspaper added, “Georgian artillery rounds and rockets were falling throughout the city at intervals of 15 to 20 seconds between explosions, and within the first hour of the bombardment at least 48 rounds landed in a civilian area.”

After an initial bombardment around 6 PM on August 7, Georgian troops declared a unilateral ceasefire, during which they apparently moved rockets and artillery into better positions. At 11 PM, Georgia announced that Russian troops were shelling Georgian villages in South Ossetia and declared an operation to “restore constitutional order” there.

»OSCE monitors refuted Georgian claims that Georgian forces were responding to a Russian attack. The Times wrote, “monitors have also said they were unable to verify that ethnic Georgian villages were under heavy bombardment that evening, calling to question one of [Georgian President] Mr. Saakashvili's main justifications for the attacks.”

»The newspaper quoted ex-British army officer Ryan Grist, who was the senior OSCE representative in Georgia when the war broke out, as saying, “It was clear to me that the [Georgian] attack was completely indiscriminate and disproportionate to any, if indeed there had been any, provocation.”»

WSWS.org rappelle ensuite divers aspects de la crise, du point de vue de la responsabilité de l’attaque, et notamment ce fait que la responsabilité géorgienne était une chose avérée pour la simple honnêteté du jugement, avec toute la documentation disponible pour qui voulait s’en aviser, alors que le NYT soutint la thèse contraire à l’époque et semble aujourd’hui découvrir la réalité. Mais l’explication est simple et renvoie, par exemple, à l’interprétation que John MacArthur donne de la presse US et du NYT; le NYT fonctionne comme la Pravda du temps de l’URSS, ou les Izvestia, et reflète fidèlement la ligne du gouvernement US en place. C’est donc que la ligne aurait changé…

C’est l’analyse que fait WSWS.org, qui observe notamment, en offrant l’explication de ce changement:

«The prominence the New York Times gave to its account of the OSCE report—the article was the front-page lead and continued to a full-page article in the inside pages—suggests a deliberate operation to prepare public opinion for a shift in US policy in the region. With President-elect Obama committed to increasing the US military presence in Afghanistan and the US facing a major economic recession, an attempt seems to be underway to repair relations with Russia, possibly at Saakashvili's expense.»

Un peu plus loin, pour appuyer cette thèse d’une amélioration des relations avec la Russie, WSWS.org signale le projet US de lancer des négociations avec la Russie sur diverses matières stratégiques, dont le réseau anti-missiles en Europe (BMDE). «The US also announced plans yesterday to open negotiations with Russia over nuclear weapons and the controversial US nuclear missile defense shield aimed at Russia. The talks would aim to revise the Strategic Arms Reduction Treaty (START) and assuage “Moscow's growing opposition to a US missile-defense system for Europe,” according to the Wall Street Journal. A State Department official told the Journal such negotiations would not conclude under the Bush administration, but would rather “help get the ball rolling” for President-elect Obama.»

Plusieurs points peuvent être observés à la suite de tous ces développements.

• Si l'on accepte la thèse de WSWS.org, ce que l'attitude du NYT semble effectivement pousser à faire, on observerait que la nouvelle équipe Obama semble déjà prendre la mesure des capacités US dans les circonstances présentes, avec le constat que les USA ne peuvent rien faire en Europe s’ils veulent maintenir leur position, voire augmenter celles-ci en Afghanistan. C’est la reconnaissance des limites désormais bien marquées de la puissance US, à la suite des guerres en Irak et en Afghanistan, et des diverses autres activités du genre, du désordre budgétaire du Pentagone et de la crise financière et économique.

• Il apparaît assez probable que cette réévaluation était déjà en cours avant l’élection d’Obama, et qu’elle était faite en coordination avec l’actuelle administration, pour faciliter la transition et le changement de politique. Il y a manifestement un marché qui apparaît entre l’équipe Obama et l’administration Bush, la seconde préparant certaines dispositions politiques et stratégiques pour faciliter certaines mesures de restrictions dans la politique d’engagement US. En échange, il semblerait qu’Obama s’engage à ne pas faire trop d’ombre aux dernières semaines de représentation de GW Bush, par exemple en acceptant de ne pas être présent au sommet du G-20 sur la crise financière du 15 novembre 2008 à Washington. Bush pourra au moins conserver l’illusion d’avoir servi à quelque chose jusqu’au bout. C’est bon pour le moral.

• La démonstration semble faite qu’une attitude ferme et se démarquant clairement des réactions extatiques du reste du monde au moment de l’élection d’Obama est payante. Les Russes ont accueilli cette élection avec froideur et l’annonce de mesures militaires peu engageantes selon le point de vue US (annonce du déploiement de missiles Iksander à Kaliningrad). Résultat: les USA semblent conduits à lâcher du lest sur la Géorgie et sur les relations avec la Russie, y compris éventuellement le système BMDE. La démonstration serait ainsi complète.

• … Ce qui conduit à une dernière remarque sur l’une des promesses d’Obama, répercutée également avec extase par tant de commentateurs non-US, notamment européens, notamment français, sur la “restauration du leadership US”. Cet ensemble de nouvelles sur la Géorgie et sur la Russie présente une perspective assez originale de cette “restauration”. Il est possible que nous ne soyons pas au bout de nos surprises avec l’administration Obama.

• Remarque en forme de Post Scriptum: on ne peut que confirmer l'intérêt qu'il faut attendre de la réunion au sommet (ministre des AE) de l'OTAN en décembre prochain, où la question de l'adhésion de la Géorgie à l'OTAN sera à l'ordre du jour. On attend avec intérêt l'exposé de la position US, – ou bien les USA vont-ils arguer de la transition pour éviter de prendre une position?


Mis en ligne le 8 novembre 2008 à 15H15