Israël et ses aveux tardifs

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Israël et ses aveux tardifs

Les dirigeants sionistes et leur machinerie médiatique subissent les effets d’un double impératif contradictoire.

Rendre l’immigration juive en Israël attractive, séduisante et produire des motifs renouvelés au fondement mythique du pays, le pays qu’ils s’efforcent de construire pour assurer la sécurité des Juifs est sous la menace constante de ses voisins malveillants.

Les chiffres rapportés par le Ministère de l’Immigration et de l’Intégration indiquent par exemple un tassement des Français qui rejoignent Israël, moins de 2000 sur un réservoir de 600 000 alors que les conditions d’installation qui leur sont faites, en particulier accès au logement sur un foncier ‘gratuit’ car confisqué à la Palestine, sont censées être irrésistibles.

Surtout, il n’est pas fait état de l’intensité de l’efflux de tous ceux qui quittent la terre d’élection pour essaimer ailleurs. Pour l’année 2009, il avait établi que 750 000 personnes soit 10% de la population totales avaient renoncé à continuer de vivre dans l’État ethnique.

Plus le temps passe, moins les Juifs se sentent liés à Israël par le souvenir de la Shoah et moins leur allégeance lui est automatiquement acquise, les libéraux étasuniens acceptent de moins en moins qu’en leur nom se perpétue et s’aggrave l’occupation des Territoires résiduels alloués théoriquement aux Palestiniens.

Les transferts généreux des sionistes de “l’extérieur” les plus fortunés sous la forme de dons associatifs ou caritatifs défiscalisés dans les pays où ils résident se sont drastiquement réduits depuis la récente crise du capitalisme que l’on date communément par la chute de Lehman Brothers.

Le mouvement protestataire des Indignés de Tel Aviv même s’il fut sans lendemain s’est propagé à partir de revendications pour la prise en compte d’une meilleure protection sociale, il a permis le dévoilement d’une précarisation massive de la classe moyenne, socle stabilisateur des sociétés développées ou semi-développées. Parallèlement le vivier des jeunes patriotes socialistes qui s’engageaient avec enthousiasme dans l’armée d’occupation s’est tari. Le creuset où se réalisait l’élaboration de l’idéal sioniste et du ciment social par le brassage des classes lors du service militaire est déserté par les plus éduqués laïcs de sorte que la proportion dans l’armée des lecteurs littéralistes de la Bible, fanatiques ou fondamentalistes au choix, s’en trouve renforcée. Ils comprennent l’Élection divine comme irréversible et la transforment en permis d’exterminer ou de chasser les autochtones.

Le programme du remodelage de l’Orient Moyen théorisé déjà depuis plus de 30 ans par Oded Yinon a été bien avancé sous la forme de la guerre Iran-Irak qui aurait pu s’achever par la ruine totale des deux puissances potentielles de la région, puis par la destruction de l’État irakien en 2003. Il a échoué sur le Liban grâce à une résistance populaire qui a su s’organiser de la plus intelligente des manières et actuellement il a trouvé un puissant frein en Syrie venu des BRICS et singulièrement de la Russie.

Israël est de plus exposé sur le front égyptien en proie à un processus populaire incessant qui contraint le gouvernement à des remises en cause de l’assujettissement automatique du Caire au régime de Tel Aviv. La fermeture de la représentation de la maison des Ibn Séoud dans la capitale égyptienne cette semaine reflète la mise en tension par les manifestations de rue, réprimées sauvagement il est vrai mais sans gloire car le pouvoir ne s’en enorgueillit pas, de la politique étrangère actuelle. La misère peut jusqu’à un certain point être acceptée et subie mais pas l’excès d’humiliation ressentie par les masses. Quand elles ont fait plier Moubarak, elles exigeaient la dignité et elles n’en pouvaient plus de l’offense et de l’arrogance constantes d’un Israël qui disposait de l’Égypte comme exécuteur de ses basses manœuvres à l’encontre du peuple palestinien. Elle était le garant des négociations sans fin le temps que l’annexion de toute la Cisjordanie soit parfaite. Elle avait exercé la garde prétorienne de Mahmoud Abbas financée par les Us(a) sous la direction du général Dayton. Elle allait concourir à l’étouffement définitif de Gaza par la construction d’un mur souterrain qui aurait interdit le contournement par des tunnels du blocus imposé par l’occupant.

Toutes les polices parallèles du monde ne peuvent rien contre la montée de l’intolérance à l’injustice, c’est ce qu’ont prouvé et prouvent encore les millions de la place Tahrir.

La Turquie semble avoir troqué ses positions de champion de la cause palestinienne et du printemps arabe vers un rôle de sous-traitant des Occidentaux pour la destruction de la Syrie.

Il ne s’agit pas seulement de l’incarcération turque au sein de l’orientation de l’OTAN dont le post-kémalisme islamiste peut afficher par moments son indépendance. Le FMI annonce un scénario peu optimiste pour le taux de croissance turc, 2,3% versus les 8 à 10% des années précédentes et le libéralisme devenu aussi naturel que l’air ambiant respiré a conduit à un endettement majeur des ménages à 70%. Les pays européens jouent un rôle clé dans cette économie tant du point de vue des investissements - toujours prêts à fuir au moindre désagrément - que de celui de la destination des exportations turques. L’intervention du Conseil Constitutionnel de France qui a censuré la loi pénalisant la négation du génocide arménien a pris en compte la menace qui pesait sur les 100 milliards d’euros de marchés publics ouverts à la France. De plus, la Turquie compte sur l’aide européenne dans son problème chypriote face à Israël qui a signé un accord militaire sans précédent avec Nicosie.

Les militaires israéliens qui représentent la part non soumise à une volatilité électorale témoignent publiquement de l’évolution de la situation géostratégique de la greffe sioniste dans l’Orient arabe. Le pacte implicite d’interdire à toute puissance même moyenne d’émerger dans la zone qu’ils prétendent vouloir contrôler n’est remisé que de façon provisoire sans aucun doute puisque cette entité ne peut survivre, à l’instar de la métaphore du capitalisme, que dans un mouvement d’expansion sans fin. Un discours officieux veut faire montre d’un certain rationalisme et reconnaître ce que tout le monde savait déjà, l’Iran n’a ni les moyens, ni l’intention de se les donner, de construire une bombe nucléaire. Le Président Ahmadinajad n’a jamais prétendu rayer Israël de la carte, il avait simplement énoncé la loi générale qu’une situation aussi artificielle que la sienne finirait par aboutir à son collapsus naturel.

Le problème majeur des Israéliens réside dans leur identité construite sur des mensonges paranoïaques dont l’un des piliers est la croyance en un antisémitisme universel et irréfragable. Le documentaire de Yoav Shamir rend compte de la profondeur et de l’étendue de la propagande d’État qui forge le cadre de pensée et ses réflexes toxiques infligés aux enfants israéliens.

Israël a déjà réalisé une partie du programme de l’Organisation de la Libération de la Palestine, la création d’un seul État, reste l’autre part, des droits et des devoirs égaux pour tous ses citoyens et le retour de tous les expulsés de 1948, 1967 et 1973.

Le centre de gravité économique connaît une translation non homothétique sur la mappemonde. Les BRICS expriment leur poids par le tracé des nouvelles lignes ferrées à très haute vitesse qui vont sillonner l’Asie et raccourcir le trajet par voie terrestre entre Istambul et Shangaï, projet bien plus ambitieux que le Berlin-Istambul qui a porté le feu aux poudres de la première guerre mondiale. Peut-être plus symbolique mais pas moins important, un double signal est venu des pays d’Amérique Latine. Plus aucun sommet de l’Organisation des États d’Amérique ne se fera sans Cuba a déclaré le Président de Colombie. Et pour la première fois depuis l’annexion des différentes provinces mexicaines par les US(a), le flux migratoire entre le Mexique et son voisin du Nord a cessé, rendant compte de la récession niée des Us(a).

Badia Benjelloun