Gaz de schiste en Ukraine : au galop de la “doctrine du choc”

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Gaz de schiste en Ukraine : au galop de la “doctrine du choc”

L’Ukraine est l’archétype de toutes les crises, la “crise haute ultime“ et “la mère de toutes les crises”, – à la fois productrice de crises diverses, à la fois réceptacle de crises non moins diverses, – les unes et les autres résumant à la fois les dégâts formidables (type dd&e) de la surpuissance du Système et les effets catastrophiques de son autodestruction. Le cas de la problématique du gaz de schiste est intéressant, parce qu’il présente plusieurs facettes, qui interfèrent dans la crise générale en établissant une sorte de “sous-crise complémentaire”, elle-même à plusieurs facettes.

On a vu l’une d’entre elles, le 10 avril 2014, avec le rappel d’un autre texte du 11 janvier 2013 : la mise en évidence que le “miracle” du gaz de schiste qui devrait faire des USA une puissance énergétique exportatrice du type “United States of Saudi” est une narrative complète (et assez grossière puisque son but est de générer des revenus immédiats pour l’industrie de l’énergie/l’industrie pétrolière). Du coup, les promesses de l’administration US faites à l’Europe de suppléer à ses besoins en gaz si elle abandonne la filière russe dans le cadre de la narrative (une de plus) des sanctions antirusses deviennent une sorte de plaisanterie sinistre qui relève de la pure propagande primaire, spécialité US plus que jamais. Cela apparaît aussitôt évident et introduit un élément immédiat de trouble de plus dans la politique US vis-à-vis de l’Europe dans cette crise ukrainienne.

Naomi Klein soulève un autre aspect, une autre facette de cette “sous-crise complémentaire”, dans un article du Guardian du 10 avril 2014. Klein reprend sa thèse de la shock doctrine (voir son livre La Stratégie du choc), en l’appliquant à l’Ukraine. Klein décrit les plans de l’industrie pétrolière d’“invasion économique” de l’Ukraine, avec une mise à l’encan du type “capitalisme du désastre” en lançant un programme de fracking d’exploitation du gaz de schiste. Bien entendu, tout cela, en plus de représenter l’habituelle stratégie déstructurante et dissolvante de ce capitalisme de choc, repose sur la même narrative qui dissimule la tromperie du “miracle” du gaz de schiste. Klein développe son argumentation critique dans le cadre plus large de la crise du climat, en réfutant l’argument que le gaz de schiste est une réponse de l’industrie pétrolière à cette crise (autre aspect de la même narrative). Pour notre cas, le même argumentaire peut se placer au cœur de la crise ukrainienne, comme un nouvel élément de cette crise avec la volonté du capitalisme de choc de faire de l’Ukraine un bouveau champ d’exploitation de déstructuration et de dissolution, sa réduction à une Grèce de dimension considérable, avec en plus la destruction systématique de l’environnement. (De ce point de vue, la question du gaz de schiste n’est qu’un domaine de destruction pour le profit immédiat parmi d’autres.) Cela renforce encore la perception que l’Ukraine n’est pour l’essentiel qu’une proie de plus pour le Système, mais une proie d’un poids considérable, et générant une crise de déstabilisation générale qui ne peut être qu’accentuée par ce nouvel élément, cette nouvelle “sous-crise complémentaire”...

«The way to beat Vladimir Putin is to flood the European market with fracked-in-the-USA natural gas, or so the industry would have us believe. As part of escalating anti-Russian hysteria, two bills have been introduced into the US Congress – one in the House of Representatives (H.R. 6), one in the Senate (S. 2083) – that attempt to fast-track liquefied natural gas (LNG) exports, all in the name of helping Europe to wean itself from Putin's fossil fuels, and enhancing US national security.

»According to Cory Gardner, the Republican congressman who introduced the House bill, “opposing this legislation is like hanging up on a 911 call from our friends and allies”. And that might be true – as long as your friends and allies work at Chevron and Shell, and the emergency is the need to keep profits up amid dwindling supplies of conventional oil and gas.

»For this ploy to work, it's important not to look too closely at details... [...]

»I call this knack for exploiting crisis for private gain the shock doctrine, and it shows no signs of retreating. We all know how the shock doctrine works: during times of crisis, whether real or manufactured, our elites are able to ram through unpopular policies that are detrimental to the majority under cover of emergency. Sure there are objections – from climate scientists warning of the potent warming powers of methane, or local communities that don't want these high-risk export ports on their beloved coasts. But who has time for debate? It's an emergency! A 911 call ringing! Pass the laws first, think about them later. Plenty of industries are good at this ploy, but none is more adept at exploiting the rationality-arresting properties of crisis than the global gas sector.

»For the past four years the gas lobby has used the economic crisis in Europe to tell countries like Greece that the way out of debt and desperation is to open their beautiful and fragile seas to drilling. And it has employed similar arguments to rationalise fracking across North America and the United Kingdom. Now the crisis du jour is conflict in Ukraine, being used as a battering ram to knock down sensible restrictions on natural gas exports and push through a controversial free-trade deal with Europe. It's quite a deal: more corporate free-trade polluting economies and more heat-trapping gases polluting the atmosphere – all as a response to an energy crisis that is largely manufactured...»


Mis en ligne le 12 avril 2014 à 05H06