Gates et le JSF: prudence de Sioux et quelques avertissements à LM…

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Le secrétaire à la défense US Robert Gates a fait un discours important à la convention annuelle de l’Air Force Association (AFA), à National Harbor, ce 16 septembre 2009. C’était un discours de “réconciliation”, ou sans doute voulu comme tel par l’AFA autant que par Gates, après les décisions controversées du secrétaire à la défense, et sa longue bataille avec l’USAF depuis juin 2008. (On sait, bien sûr, que l’AFA est le principal lobby de l’USAF aux USA.)

Gates a parlé de tout, plutôt que “de tout et de rien”, à la gloire de l’USAF revue selon ses conceptions. Pour ce cas, nous nous arrêtons au passage qu’il consacre au F-35 (JSF), parce qu’il est d’un certain intérêt, parce que le JSF nous intéresse, et également la position de Gates vis-à-vis du JSF

«The largest piece of the U.S. air-dominance portfolio, designed to span a wide range of the conflict spectrum, is the F-35 Joint Strike Fighter. It lacks some of the high-end air-to-air attributes of the F-22, but this fifth-generation stealth aircraft has cutting edge capabilities in electronic warfare and in suppressing enemy air defenses.

Without question, the F-35 program represents an ambitious effort. More than 3,000 aircraft, counting all military services and foreign partners. Twenty-two million lines of code. Over $46 billion for development plus an estimated $300 billion in total acquisition costs. A truly massive investment in the future of U.S. air power.

»As with every advanced military and commercial aircraft, the F-35 has seen its share of rising costs, delays, and other development issues – and no doubt will see more challenges in the future. Three weeks ago I had a chance to tour the F-35 plant in Fort Worth. I made clear to the manufacturers our expectations with regard to costs and schedule, and they assured me that earlier problems are being aggressively confronted and addressed.

»Next year’s budget reflects a major commitment to accelerate the development and production of the F-35 – with nearly half a billion dollars added to the FY 10 budget to support the flight-test program. Our objective continues to be to equip the first training squadron at Eglin Air Force Base in 2011, and achieve initial operating capability for the Marines and Air Force in 2012 and 2013 respectively. I consider the F-35 program a major leadership priority – with all that entails with regard to funding, oversight, and accountability.»

Décodons les déclarations de Gates… Le moins qu’on puisse dire est que la prudence et le “quant-à-soi” dominent la chose, et certaines précautions, également, qui permettent à Gates de prendre date – à tout hasard.

• D’abord, un résumé rapide de l’ampleur considérable du programme, avec des chiffres qui montrent qu’on se trouve vraiment très haut, avec autour de $346 milliards, et qu’on reste encore dans l’“estimation” qui tendrait plutôt vers l’augmentation… («Over $46 billion for development plus an estimated $300 billion in total acquisition costs.»). Il s'agit d'une estimation qui dépasse celles qu'on accepte généralement pour le programme.

• L’énormité, l’“ambition” du programme, font que le JSF, comme tout autre programme de cette dimension a connu des problèmes et en connaîtra encore («…the F-35 has seen its share of rising costs, delays, and other development issues – and no doubt will see more challenges in the future»). Cette remarque est largement démarquée de l’habituelle description éclatante d’optimisme et de certitude que font les officiels du domaine (Lockheed Martin [LM] et le JSF Program Office [JPO]). Elle marque la reconnaissance des difficultés qu’a connues le programme et des très probables difficultés, ou “défis” si l’on veut, qui l’attendent encore.

• Maintenant, mettons les choses au point, dit clairement le secrétaire à la défense. Il est allé à Fort-Worth (le 31 août) pour dire à LM quelles sont les exigences de la direction du Pentagone pour les coûts et le développement, et il en rapporté l’assurance de LM que toutes les difficultés qu’a connues le programme sont prises en main et traitées avec pugnacité («I made clear to the manufacturers our expectations with regard to costs and schedule, and they assured me that earlier problems are being aggressively confronted and addressed»). Le moins qu’on puisse dire est que Gates passe délicatement la patate chaude à LM. Le principal contractant du JSF est désormais clairement informé de ce qu’on attend de lui; Gates prend bien soin de rapporter l'affirmation de LM que les problèmes du JSF sont en train d’être traités avec pugnacité. (Ce dernier point, tout de même d’une certaine importance – les mots “are being” [“sont en train de…”], ce qui sous-entend que ces difficultés ne sont pas encore résolues.)

• Le JSF aura tout le soutien et le financement nécessaires dans les années à venir, mais, en contrepartie et comme il est normal au regard de son importance, il sera placé sous une surveillance intensive («I consider the F-35 program a major leadership priority – with all that entails with regard to funding, oversight, and accountability»).

• Observons, comme remarque complémentaire, que Gates ne partage pas complètement l'estimation de LM qui tend à faire du F-35 un appareil équivalent au F-22 pour ses capacités de combat aérien: «It lacks some of the high-end air-to-air attributes of the F-22.»

Gates est un habile bureaucrate. Avec ces quelques phrases, il nous décrit le programme JSF tel qu’il est: des difficultés importantes de développement, qui ne sont pas encore résolues, et certainement d’autres à venir; la responsabilité de Lockheed Martin bien affirmée, et l’annonce que le Pentagone suivra avec attention et vigilance tout ce qui se passera. Le JSF est désormais un programme “sous surveillance”, et rien de ce qu’a dit le secrétaire à la défense ne dément toutes les inquiétudes et critiques qui ont été exprimées et émises à son propos. Avec ces quelques phrases, également, Gates se met dans la position d’arbitre plus que de partisan, avec éventuellement, plus tard, “en cas de malheur”, la possibilité de désigner le principal responsable.


Mis en ligne le 17 septembre 2009 à 10H27